Mais s'il n'y avait eu réellement que cette instinctive antipathieentre les deux jeunes gens, peut-être aurait-elle peu à peu disparue,et des rapports amicaux se seraient sans doute établis en seconnaissant mieux et par conséquent s'appréciant davantage; maisil n'en était pas ainsi, ce n'était ni de l'indifférence, ni de lajalousie que don Melchior avait pour le comte, c'était une belle etbonne haine mexicaine.
Don Antonio de Caserbar, il s'appelait ainsi, ne paraissait plus êtreque l'ombre de lui-même; espèce de spectre lugubre, toute sa viesemblait s'être concentrée dans ses yeux qui brillaient d'une lueursinistre comme ceux des faunes; mais dans ce corps en apparence sidébile, on sentait qu'une âme ardente, une volonté énergique étaientrenfermées, et que cet homme, sorti vainqueur d'une lutte acharnéecontre la mort, poursuivait avec un entêtement inébranlable l'exécutionde sombres résolutions prises antérieurement par lui. A peine guéride son affreuse blessure, bien faible encore et ne supportant qu'avecune extrême difficulté la fatigue d'une longue course à cheval, ilavait cependant imposé silence à ses souffrances pour venir ainsi, àla nuit tombante, à près de trois lieues de México, à un rendez-vousque lui-même avait demandé; les motifs d'une telle conduite, surtoutdans son état de faiblesse, devaient être pour lui d'une bien hauteimportance.
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Don Melchior fut sombre et compassé comme toujours, et mangea sansdesserrer les dents, cependant, deux ou trois fois, étonné sansdoute de la bonne harmonie qui semblait régner entre sa sœur etle gentilhomme français, il tourna la tête de leur côté; en leurlançant des regards d'une expression singulière, mais les jeunes gensfeignirent de ne pas les remarquer, et continuèrent leur causerie àdemi voix.
Don Melchior de la Cruz, résolu de s'emparer à tout prix de la fortunede son père, fortune que le mariage de sa sœur menaçait de lui faireperdre sans retour, s'était jeté à corps perdu dans la politique,espérant trouver au milieu des factions qui depuis si longtempsdéchiraient son pays l'occasion de satisfaire son ambition et soninsatiable avarice en pêchant à pleine main dans l'eau trouble desrévolutions. Doué d'un caractère énergique, d'une grande intelligence,véritable condottière politique, passant sans hésitation comme sansremords d'un parti dans l'autre, selon les avantages qui lui étaientofferts, toujours prêt à servir celui qui le payait le plus cher, ilétait arrivé à se rendre maître de secrets importants qui le faisaientredouter de tous et lui avaient acquis un certain crédit auprès deschefs des partis qu'il avait servis tour à tour; espion du grand monde,il avait su entrer partout, s'affilier à toutes les confréries et lessociétés secrètes, possédant au plus haut degré le talent si envié desplus renommés diplomates, de feindre au naturel les sentiments et lesopinions les plus opposés. C'est ainsi qu'il s'était fait recevoirmembre de la mystérieuse société d'Union et Force, par laquelle ildevait plus tard être condamné à mort, avec la résolution bien arrêtéed'avance de vendre les secrets de cette redoutable association,lorsqu'une occasion favorable se présenterait. Don Antonio de Cacerbarse fit peu de temps après recevoir membre de cette même association.
Depuis plusieurs mois déjà le duc était revenu de ses voyages, ilsemblait avoir pris la vie au sérieux et n'avoir qu'un désir: celui deréparer les fautes de sa jeunesse. Accueilli dans toutes les familles,avec un peu de froideur d'abord, mais bientôt avec distinction, ilétait presque parvenu à faire oublier les erreurs de sa vie passée,lorsque je ne sais à propos de quelle fête ou de quel anniversaire,eurent lieu dans le pays des réjouissances extraordinaires;naturellement le prince, comme c'était son devoir, prit l'initiativedes divertissements et même à l'instigation de son frère il résolutpour leur donner plus d'éclat d'y jouer lui-même un rôle important. Ils'agissait de représenter une espèce de tournois: la première noblessedes pays environnants avait avec empressement offert son concours àl'exemple du prince; enfin le jour des joutes arriva. La jeune épousedu prince assez avancée dans une grossesse laborieuse, poussée par unde ces pressentiments qui viennent du cœur et qui ne trompent jamais,essaya vainement d'empêcher son mari de descendre dans la lice, luiavouant au milieu des larmes qu'elle redoutait un malheur; le ducse joignit à sa belle-sœur pour engager son frère à s'abstenir deparaître dans le tournoi autrement que comme spectateur, mais le princequi croyait son honneur engagé, fut inébranlable dans sa résolution,plaisanta, traita leurs craintes de chimériques, et monta à cheval pourse rendre au lieu du tournoi.
Les jeunes filles, libres de toute surveillance, s'en donnaient à cœurjoie, à se confier leurs naïfs et doux secrets; quelques mots avaientsuffi pour rendre entre elles toute explication inutile; aussi pasd'arrière-pensées, de faux fuyants; confiance entière et illimitée,union tacitement conclue pour se venir en aide et forcer les cavaliersaimés à rompre enfin un trop long silence et à laisser lire, dans leurcœur, le nom de celle que chacun d'eux préférait.
Par un de ces hasards étranges comme la vie réelle en crée si souvent,la conversation des jeunes filles était, à quelques légères différencesprès, la même que celle qui avait précédemment eu lieu entre le comteet son ami sur le même sujet.
Don Jaime, après avoir ordonné au vieux domestique de sa sœur quipendant tout le temps de cette conversation avait tenu la porteouverte, de rentrer et de la barricader solidement au dedans, sedirigea vers la demeure des deux jeunes gens en se frottant les mains. 2ff7e9595c
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